« La baisse des restes à charge dans les dépenses de soins :

Quelles évolutions pour l’assurance complémentaire santé ? »

Plus de 150 personnes ont répondu à l’invitation de la CFR et se sont retrouvées salle Colbert à l’Assemblée Nationale à Paris vendredi 28 septembre 2018. 9 intervenants de haut niveau se sont exprimés selon 3 tables rondes.

1-L’assurance maladie à la française : un système à bout de souffle ?

Gilles Huteau, professeur à l’EHESP, a tout d’abord fait une présentation des principales caractéristiques structurelles et juridiques de notre système de couverture santé reposant sur 2 piliers -obligatoire et complémentaire- a permis à de décrire les notions de reste à charge : le ticket modérateur, les participations forfaitaires, les dépassements d’honoraires et les conséquences du décalage entre les prix pratiqués et les bases de remboursement. Dans l’affaire, les retraités sont lourdement sanctionnés !

Denis Raynaud, directeur de l’IRDES, après avoir rappelé que le Reste à Charge dans notre pays est le plus faible de l’Union européenne, a montré qu’il est très inégalement réparti selon les soins et les personnes. Il est source d’inégalités et il pénalise les personnes les plus malades.

Il a aussi développé les effets désastreux pour les retraités de la généralisation de la complémentaire santé, dans le cadre de l’ANI, car elle modifie fondamentalement les paramètres de la mutualisation, renforce la segmentation et au final elle accroit le taux d’effort des retraités.

Les réformes récemment annoncées du RAC zéro et de la CMU-contributive auront aussi, selon lui, un impact sur les complémentaires.

2-Vers une assurance maladie universelle et solidaire ?

Patrick Hassenteufel, professeur à Science Po à St Germain en Laye, a livré des éléments de comparaison de notre système avec celui d’ autres pays européens, en soulignant les racines historiques -Beveridge ou Bismarck-explicatives des différences.

Il a souligné que le RAC est faible en France, au plan macro-économique, mais qu’il est très différemment ressenti selon les personnes. Il est notamment un facteur incontestable de renoncement aux soins, dans les situations de revenu faible.

 

Frédéric Bizard a très directement posé la question ; notre système est-il réformable ? En effet les mesures prises ces dernières années ont voulu réparer les difficultés ; elles n’ont fait que des perdants -dont les retraités !

Il faudrait passer d’un système « corporatiste » à un système plus individualisé et solidaire ! L’idée d’une mise en concurrence ne doit pas être écartée, mais surtout les règles de la gouvernance doivent être bien définies, avec les rôles respectifs des pouvoirs publics et des opérateurs. On voit bien qu’il faudrait concevoir une réforme systémique et de grande ampleur, y compris en mettant en cause le système actuel à 2 étages. L’égal accès aux soins pour tous doit aussi être complété d’une égalité d’accès à la qualité des soins et prestations. A cet égard, l’orateur a fait une analyse critique du projet de RAC zéro qui prévoit plusieurs niveaux de panier de soins…et donc des degrés de qualité différents !

Le Dr Pierre-Henri Bréchat, praticien hospitalier et membre de l’institut droit et santé de Paris Descartes a souligné les écarts importants du taux réel de prise en charge des soins hospitaliers (82%)et de ville (54%) par l’assurance maladie obligatoire. Au delà il a fait le constat de l’évolution constante des dépenses de santé sans qu’il soit réellement possible de mesurer la réalité de la qualité. Il estime hautement souhaitable une réforme en profondeur de notre système de santé et de couverture sociale, qui évite par exemple d’opposer les catégories sociales entre elles (comme les effets de l’augmentation récente de la CSG opposant les actifs et les retraités) mais qui préserve une réelle démocratie en santé.

3-Comment réformer l’assurance maladie ? Un défi politique de taille

Anne-Marie Brocas, présidente du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a fait une rapide présentation de cette institution.

Elle a aussi rappelé les grands principes énoncés dès 2012 en faveur d’une système solidaire et la priorité donnée à l’accessibilité aux soins pour tous et en tous points du territoire. Les dispositifs CMU et ACS ont notamment permis une couverture plus satisfaisante de la population.

La problématique du RAC est bien identifiée. Malgré une bonne couverture par l’assurance maladie de base, le RAC est élevé pour les personnes en ALD, il a tendance à progresser avec l’avancée en âge et il est principalement généré par les prestations du secteur à tarif libre.

Les pistes prospectives sont à considérer avec l’évolution considérable annoncée de l’organisation du système de santé. Il faudra donc repenser la structure de remboursement à l’aune de ces changements. Ainsi le « virage ambulatoire » va bouleverser l’offre de soins (prise en charge de proximité, plus coordonnée avec le concours de multiples intervenants…) mais aussi les modes de rémunération des professionnels de santé, induisant une profonde remise en cause des mécanismes actuels de remboursement.

Véronique Cazals directrice santé de la Fédération Française des assurances a voulu souligner la place originale des assureurs parmi les opérateurs de complémentaire santé.

Elle a montré l’abondance de réglementation qui s’applique à ce secteur qui conduit finalement avec l’addition des contraintes, à une réduction du choix en complémentaire santé.

Elle craint par ailleurs que la mise en place du RAC zéro ne génère mécaniquement une progression des cotisations des complémentaires, en raison des carcans imposés.

Séverine Salgado, directrice déléguée à la santé de la FNMF, pense que la question du RAC est complexe. Ce reste à charge est très inégalement réparti et très concentré sur une faible proportion de la population (5%) et très souvent composée de personnes âgées voire très âgées. A ce reste à charge santé il faut aussi souvent ajouter les conséquences de la perte d’autonomie !

Evoquant les projets « ma santé 2022 » qui contiennent la transformation du système de santé français, elle soutient des avancées qui lui semblent majeures : la création des centres de santé et les maisons de santé pluridisplinaires, l’organisation des CPTS car ces structures sont porteuses de modes de fonctionnement originaux et plus coordonnés notamment lorsqu’ils seront complétés de centres hospitaliers de proximité. La volonté de développer des axes de prévention mérite aussi d’être soulignée.

Sur le RAC zéro, La Mutualité Française marque une certaine satisfaction, car le dispositif va permettre d’améliorer l’accès aux soins (et éviter le renoncement). A son avis, le coût pour les assureurs complémentaires ne devrait pas être aussi élevé que redouté !

Le président de la CFR Pierre Erbs en concluant le colloque a souligné la haute tenue des débats et remercié les intervenants et les organisateurs. Il a aussi montré que la CFR était très mobilisée sur des thèmes majeurs et d’actualité, ce qui est un signe de vitalité et de dynamisme.

Il a notamment mentionné les positions soutenues par la CFR dans ces domaines de la complémentaire santé et des restes à charge, que les débats du colloque ont largement enrichis.

2 octobre 2018

Télécharger la synthèse du colloque CFR

Propositions de la CFR sur les complémentaires santé et le reste à charge

[metaslider id= »10677″]